Raphaël MALLARD
Raphaël Mallard est né le 24 février 1923 à Saint-Antoine-la-Forêt où il vécut jusqu'à son décès. Après avoir été à l'école à Saint-Nicolas de la Taille, Raphaël est envoyé en apprentissage au Havre à l'âge de 14 ans dans l'électromécanique.
Lors de l'arrivée des troupes allemandes au Havre à l’été, Raphaël est rappelé par son père à la ferme car il est hors de question de travailler pour l’occupant. Patriote convaincu, le père de Raphaël a combattu 5 ans comme artilleur dans la Somme de 1914 et 1918 et lui a inculqué le sens du devoir.
L'occupation devient rapidement insupportable à Raphaël qui cherche à intégrer la Résistance. Mis en contact avec Léon François de Libé Nord qui créa une section sur Lillebonne, Raphaël Mallard entre dans ce mouvement de résistance à 19 ans en 1942. Il faisait office de recruteur auprès des réfractaires au STO et leur fournissait des faux papiers ainsi que des instructions pour rejoindre le mouvement. Affecté à la région de Dieppe, il effectua également des missions de renseignements en particulier pour signaler l'emplacement des rampes de lancement des V1. Autre mission : recueillir les aviateurs alliés abattus dans la région, leur donner de faux papiers, des vêtements civils et les accompagner en vélo vers les filières d'exfiltration.
Au début de l'été 1944, la pression de la Gestapo sur le réseau devient de plus en plus forte et oblige Raphaël à revenir se réfugier à la ferme de Saint-Antoine.
Le 28 juillet 1944 à 8h, la ferme est encerclée par la Gestapo, des soldats allemands et des policiers français. Raphaël est arrêté ainsi que Jacques François et d'autres camarades résistants. Bastonné, torturé, jamais il ne parla et délivra aucun nom.
Le 18 août 44, c'est le départ de la forêt de Compiègne dans le dernier convoi vers Buchenwald où sa seule identité sera le matricule 78731. Au bout de 4 semaines, il est transféré au camp Stassfurt dit « de la mort lente » pour travailler dans les mines de sel et de potasse. De septembre 1944 à avril 1945, les conditions de vie seront effroyables et inhumaines.
Devant l’avancée des troupes américaines à l’Ouest et russe à l’Est, le camp est évacué et débute la terrible « marche de la mort » sur 366 km pieds nus et avec peu de nourriture. Raphael Mallard finira par s’évader le 7 mai 1945. Recueilli par les troupes russes puis remis aux troupes américaines, il rentra en train vers Paris avec un passage à l’hôtel Lutétia avant de retrouver Saint Antoine La Forêt, son père et sa fiancée.
A son retour, Raphaël Mallard participe activement à l’entreprise de machines agricoles de son père.
C’est à la retraite en 1988, après le décès de son fils, qu’il commence à témoigner, dans les établissements scolaires et à l’école de formation des pompiers de St Valery en Caux, de son vécu de résistant déporté afin de leur transmettre un message d’espérance pour que, plus jamais, les hommes ne revivent une telle horreur.
Il fut particulièrement impliqué dans l'Amicale des résistants déportés de Buchenwald Neu-Stassfurt et dans ce cadre, a permis à l'identification de 4 Déportés havrais morts à Buchenwald et à l'inscription des noms sur le Monument de la Résistance et de la Déportation « souviens-toi » du Havre le 23 mai 2010 à l'occasion du colloque de l'Amicale organisé à cette occasion au Havre.
C'est pour tous ceux qui sont restés là-bas que Raphaël Mallard a voulu « raconter ce qu’on avait vécu, sans haine ni vengeance mais sans complaisance, pour faire honneur à leurs derniers mots qu’on le sache ».
Raphaël Mallard avait été élevé au grade de Commandeur dans l'Ordre national de la Légion d'honneur le 29 juin 2016.
Il était également lieutenant des Forces françaises libres, a reçu la croix de guerre 1939-1945 avec palme, la médaille de la Résistance française, la croix du combattant, la croix du combattant volontaire, la croix du combattant volontaire de la Résistance, la médaille des évadés et la médaille de la Déportation pour faits de Résistance.
Raphaël Mallard s’est éteint le 27 novembre 2020 à Saint-Antoine-la-Forêt à l’âge de 97 ans. Il a été inhumé le 3 décembre, selon sa volonté dans la plus stricte intimité familiale.
L’UNADIF-FNDIR de la Seine-Maritime présente à sa famille ses plus sincères condoléances et s’associe à leur peine.
Isabelle Charrier, Secrétaire générale de l'UNADIF-FNDIR 76.
Raphaël Mallard avait son village chevillé au corps. Saint-Antoine-la-Forêt, près de Bolbec, là où il avait vu le jour le 24 février 1923, dans la ferme de ses parents, Marie et Léonce. Là où il était revenu du Havre aux premiers jours de la Seconde Guerre mondiale, sur injonction de son père qui ne voulait pas que son fils, apprenti dans les fonderies, travaille pour l’ennemi. Là où, à partir de 1943, intégré au réseau « Libération-Nord » sous le pseudo de Raymond Morand, il fera de la ferme paternelle une plaque tournante de la Résistance locale. Là où il se fera arrêter aussi, un an plus tard, torturé par un officier SS avant d’être transféré à Rouen, suivra Compiègne, puis déporté dans le camp de concentration nazi de Buchenwald. Là où il revint métamorphosé, aux derniers jours de mai 1945.
Dans son livre, "Avec le dernier convoi pour Buchenwald", paru en 2012, il raconte la scène : « Oui, j’étais bien chez moi, à Saint-Antoine, j’entends à la fermette de mon père. En quelques minutes, comme une traînée de poudre, une dizaine de voisins arrivèrent pour me voir. Si la plupart me connaissaient avant mon “départ”, ils ne retrouvaient plus grand-chose du personnage, ou plutôt il ne restait plus rien. » Revenu de l’enfer à 22 ans, il ne bougera plus ou presque de son village.
« Relater des faits »
« Revenir à Saint-Antoine, c’était sa motivation constante pour tenir. » À deux pas de la ferme, dans une maison désormais vide, mardi, Pierre-Nicolas Mallard feuillette avec émotion le livre de son grand-père. Raphaël Mallard s’est éteint il y a cinq jours. C’est en 2002, à la mort du père de Pierre-Nicolas, qu’il avait entrepris de coucher son histoire sur papier. « C’est mon père qui lui avait demandé », évoque le petit-fils endeuillé. Jusqu’ici, le témoignage de Raphaël se limitait au cercle familial, et se faisait au compte-gouttes. « Il aimait nous réunir à quelques occasions, notamment les 8 mai, pour nous raconter ses souvenirs. Mais il ne dévoilait pas tout. »
Tout, il faut le dire, n’est pas forcément audible. À plusieurs reprises, Pierre-Nicolas marque des pauses, ferme le livre, hoche la tête. Il a beau l’avoir lu et relu, le récit de son grand-père lui fait toujours froid dans le dos.
Le texte, pourtant écrit soixante ans après les faits, relate avec acuité son parcours de résistant envoyé en déportation. « Il disait toujours : “Je veux relater des faits, pas écrire un roman.” » La torture, les coups, le froid, la faim – « Bien pire que les coups, parce qu’elle ne passe jamais ». Les techniques de déshumanisation méthodique des nazis, l’uniforme rayé, le numéro de matricule 78731 et le triangle rouge à l’envers barré d’un F (pour résistant déporté français) imprimés dans sa mémoire. Les baraquements, la mine de sel de Stassfurt, la Marche de la Mort finale. La mort, partout et tout le temps. Mais aussi la camaraderie, le sens de l’engagement, la résilience jusqu’à l’extrême. Jusqu’à l’évasion, après 366 kilomètres de calvaire imposés par ses bourreaux. La nuit précédant l’Armistice, le 8 mai 1945.
Difficile ensuite de reprendre le cours de sa vie. Raphaël Mallard parlait plutôt de survie. « On est des revenants », disait-il.
Terre promise
La dernière partie de sa vie fut tout entière consacrée à la transmission. « Pour faire honneur à leurs derniers mots, qu’on le sache », comme le mentionne le sous-titre de son livre. De colloques en conférences, auprès des enfants comme en prison, le vieil homme raconta sans relâche son histoire, porte-parole jusqu’à ses 93 printemps de ses compagnons disparus.
Témoin nécessaire, père, grand-père et arrière-grand-père, entrepreneur à succès au sein de la société familiale de mécanique fondée en 1946, commandeur de la Légion d’honneur : Raphaël Mallard était tout cela et plus encore. « Un modèle de vie », dit Pierre-Nicolas.
Son inhumation a lieu jeudi 3 décembre 2020, dans la plus stricte intimité familiale. Sans honneur particulier, selon ses volontés, « pour partir comme ses amis déportés morts en camp ». Il reposera à Saint-Antoine-la-Forêt. Sa terre promise.
Raphaël Mallard était Commandeur dans l'Ordre national de la Légion d'honneur et titulaires de nombreuses décorations : la croix de guerre 1939-1945 avec palme, la médaille de la Résistance française, la croix du combattant, la croix du combattant volontaire, la croix du combattant volontaire de la Résistance, la médaille des évadés et la médaille de la Déportation pour faits de Résistance.
Le président national Jean-Marie Muller et l'ensemble des membres du Bureau national et du Conseil d'administration national UNADIF-FNDIR présentent leurs plus sincères condoléances à sa famille.