Mireille LEGRAND - DUFOUR
C'est avec une immense peine que nous apprenons le décès, le 7 janvier 2025, de notre grande Amie Mireille Legrand-Dufour, Chevalier dans l'Ordre national de la Légion d'honneur, fille de Robert Dufour, Déporté-Résistant, présidente honoraire de l'UNADIF-FNDIR de l'Aisne , ancienne vice-présidente nationale de l'UNADIF
Les obsèques de notre Amie ont lieu en l'Eglise de Mennevret (02) vendredi 10 janvier 2025 à 14h30.
Nous n'oublierons jamais notre Chère Mireille, très attachée à la transmission de la mémoire de la Résistance et de la Déportation et au respect de la Vérité historique auprès des jeunes générations.
Le président national Jean-Marie Muller et l'ensemble des membres UNADIF - FNDIR présentent leurs plus sincères condoléances attristées à sa fille Solange, son petit-fils Nicolas et à toute sa famille et ses amis.
Photos droits réservés Gérard Bocquery UNADIF : Mireille Legrand est décorée de la Légion d'honneur le 2 avril 2O11 par le Colonel Maurice Dutel dans les locaux du Musée régional de la Résistance et de la Déportation de Fargniers-Tergnier.
TEMOIGNAGE DE MIREILLE
Chaque fois qu’un conflit se déclare dans le monde, je pense à l’angoisse, la peur, les privations de liberté, d'alimentation, de.....de tout.....et de la terreur des enfants.
Enfant de 9 ans au début de cette guerre, j'ai eu conscience de tout.
La guerre 1939-1945 vécue par une fillette.
Mon vécu durant la guerre
LA MOBILISATION GÉNÉRALE
En 1939, tous les hommes en âge d'être mobilisés quittaient leur foyer: (nous voyons partir des membres de notre famille, des voisins...) Mon Père a été mobilisé dès la fin août 1939 et affecté au Bureau de recrutement de Laon. Aisne.
LA DECLARATION DE LA GUERRE
Le 3 septembre 1939, la déclaration de guerre!! Je l’ai apprise sur le plateau de Laon, (alors que nous rendions visite à mon Père) je n’avais que 9 ans. Quel effroi, j'ai frissonné fortement de la tête aux pieds (j’étais conditionnée par les témoignages de la guerre précédente et j’avais entendu ce qui se passait en Pologne….par les informations sur la "T.S.F" et par Pélagie -une jeune voisine d'origine polonaise- qui venait souvent en larmes, chercher du réconfort auprès de mes grands-parents....)
Mon Parrain affecté sur la ligne Maginot, avec lequel je correspondais, m'écrivait : "Ne t'inquiètes pas, la ligne Maginot est là: "Ils ne passeront pas" Eh! Oui ! Cela nous rassurait !!! Mais ils sont passés par la Belgique début mai 1940 !
L’EVACUATION
Nous dans le Nord de la France, nous étions directement concernés. L'invasion des ennemis progressait Nous envisagions de partir, mais n'avions aucun chauffeur pour la voiture (voiture neuve que nous avons dû laisser dans le garage et que nous n'avons pas retrouvée à notre retour) Pas de chauffeur - donc mon grand-père paternel a aménagé une charrette en y installant des "bancs-coffres" où il était possible de s'asseoir et de ranger des affaires personnelles (réduites au minimum).
Le 22 mai -Famille et Amis- nous avons pris, en urgence, la route de l'exode, dans la charrette tirée par 2 chevaux, chevaux prêtés par le cultivateur voisin -Mr De Wever- Nous étions douze personnes- dont 4 enfants- et aussi 2 chiens- (les 2 hommes se relayaient pour diriger les chevaux) En urgence, car les nazis étaient proches, nous avons su, qu'ils étaient arrivés quelques heures après notre départ. Mon Grand-Père nous a conseillé de ne pas fermer les portes d'entrée, afin qu'elles ne soient pas brisées En effet, les portes n'ont pas été brisées, mais un pillage sévère a été effectué, à notre retour: plus de vaisselle, de linge, d'outils dans la menuiserie etc
Notre objectif était de parvenir à Cours-Cheverny (Loire et Cher) au domicile de Monsieur Marier un ami "Poilu" de mon grand-père
Les routes étaient surencombrées par tous ceux qui fuyaient l'invasion des nazis et qui, pour la plupart avaient, comme nous, un véhicule tiré par des chevaux. Routes, souvent survolées et mitraillées par l’aviation ennemie, (les bruits des moteurs d'avions nous alertaient, et nous descendions en extrême vitesse de notre charrette)
Je me souviens: du cadavre enflé d'un cheval sur les marches de l'église de Roye...et du mitraillage nourri subi dans cette ville (où de toute urgence il a fallu se mettre à l'abri A cause de mon chien (que je n'abandonnais pas) je n'ai pas suivi immédiatement Maman et les autres et m'étais mise à l'abri -en urgence- sous une planche dressée contre un mur; les balles pleuvaient autour de moi -ma Mère, qui ne me voyant pas, hurlait mon prénom...-)
Une fois, ces mitraillages nous ont particulièrement visés car mon grand-père avait remarqué qu'ils avaient lieu aux mêmes heures dans la journée, nous avions donc emprunté une petite route déserte, un avion nous a alors survolés et mitraillés....
Pour un autre mitraillage, nous nous sommes précipités dans un petit chemin, il y avait à gauche une file d'arbres et à droite une grande pâture, mon grand Père hurlait "marchez le long des arbres". Quand nous avons pu regagner notre charrette; j'ai aperçu dans la pâture voisine; une dizaine de personnes allongées, mon Grand-Père -que je suivais comme son ombre- m'a dit "Avance avec les autres, je vais aller les aider, elles sont fatiguées..." Je n'ai pas connu la vérité...
A quelques kilomètres de Roye, il nous avait été demandé de nous diriger vers Rennes. Mais comme nous avions une adresse où nous pouvions être accueillis à Cours Cheverny, nous avons été autorisés à nous diriger vers Orléans,
Aux alentours de Crèvecœur-le-Grand, près d'un bosquet, nous avons été stoppés par 5 ou 6 motards allemands (OUI !!!) Ils avaient dû être parachutés.... Le responsable de ce groupe a mis un révolver sur la tempe de mon Grand-Père et - dans un parfait français- lui a demandé si nous avions rencontré des troupes françaises sur notre chemin. Finalement, il nous a laissé partir, et nous a dit : "Tant pis vous allez dans le feu"
Est-ce avant ou après cette rencontre ? nos files de réfugiés -qui occupaient toute la route "en sens unique"- ont dû s'agglutiner en une seule file (voire sur les bas-côtés) pour laisser passer un important convoi d'anglais, dans divers véhicules) Ils se dirigeaient vers les côtes pour regagner l'Angleterre. Ils nous saluaient avec le pouce vers le bas (oui ! la bataille était perdue !)
Le 24 mai, près des Andelys, les vivres manquaient et nous étions encore à l'arrêt... mon Grand-Père est donc parti à pied vers le bourg voisin pour tenter d'acheter des victuailles.
Mais notre colonne d'évacués a dû avancer, puis essuyer des mitraillages (nous nous étions réfugiés dans la cave d'une maison isolée (invités par sa propriétaire) Et là, j'ai dit "Aujourd'hui, j'ai dix ans !!!" (J'entends encore les murmures, que je traduis maintenant "Pourvu que tu aies d'autres anniversaires" )
Et nous attendions mon Grand-Père, en vain.... et, de plus, notre deuxième meneur de chevaux -Kléber- nous annonce -qu'avec sa Mère, sa Sœur et sa Nièce ils préfèrent rejoindre le domicile de sa Sœur à Paris par train. Il nous présente un jeune conducteur (extrait d'une charrette voisine) Nous poursuivons la route ensemble jusqu'à la nuit. Nous trouvons un hébergement dans les bâtiments d'une ferme. ET, le lendemain matin, le jeune conducteur et sa Famille nous annoncent qu'ils ne peuvent nous accompagner jusqu'à Cours-Cheverny !!!! Ils prennent une autre direction. Que faire ? (Les portables, Internet, n'existaient pas.) Le fermier, informé, décide d'envoyer un télégramme chez Mr Marier à Cours-Cheverny. Miracle !!! Nous avons une réponse sur le téléphone du fermier, mon Grand-Père était arrivé là-bas et venait nous rejoindre en taxi le lendemain. Il a repris son rôle de conducteur de chevaux et nous, nous avons regagné Cours-Cheverny avec le taxi (auto familiale avec strapontins où nous avons pu nous entasser (4 adultes et 3 enfants).
Les routes étaient relativement dégagées et nous n'étions plus survolés par les avions ennemis. Après quelques heures nous sommes arrivés chez nos Amis. Quelle joie !!! Les 2 amies, qui étaient encore du voyage, ont été accueillies dans un autre foyer Et là, brutalement j'ai senti que j'étais très fatiguée, que j'étais sale (très peu d'endroits pour des ablutions au cours de notre chemin)...Grand-Père, avec les chevaux et la charrette, nous a rejoints deux jours plus tard le 28 mai Ouf! Nous pensions être à l'abri des combats.
Nous n'avions aucune nouvelle de mon Père.
Cette petite accalmie n'a pas duré longtemps. Nous suivions les informations radiophoniques. Les combats se poursuivaient dans le Nord de la France et se rapprochaient de Paris. Oh ! Je ne voulais pas qu'ils détruisent Paris, -Paris-, où j'allais parfois en vacances chez mon Parrain. Je suivais le déroulement des opérations avec une grande angoisse. Quand le 11 juin Paris a été déclarée "ville ouverte". J'ai demandé des explications. Bon, Paris n'était pas attaqué, mais les ennemis l'occupaient sans combat. J'étais très chagrinée, mais...Paris ne serait pas bombardé. Et nous avons commencé à voir des soldats français à pied se retranchant vers le sud, et de plus en plus nombreux et fatigués (j'avais mon poste d'observation depuis une grange) Alors, j'ai dit "ça recommence". Et il parait que c'est à cause de ma grande angoisse que nous avons repris le chemin de l'exode.
Nous nous sommes dirigés vers la Vienne, où ma Mère et sa Famille s'étaient réfugiées durant la guerre 1914-1918. En traversant un petit bois, un avion nous a survolés et mitraillés (nous avons sauté en extrême vitesse de notre charrette, sans avoir le temps de prendre nos chiens, qui, eux aussi ont voulu sauter, mais ils étaient attachés, nous les avons retrouvés pendus - heureusement encore vivants-)
Le 16 juin 1940, nous avons été accueillis dans une ferme à l'entrée de Châteauroux (mon Grand-Père recherchait toujours un lieu où les chevaux pouvaient se reposer et paitre)
L’espoir
Et là, à côté de mon grand-père, le 17 juin 1940 j’ai entendu, sur les ondes l’intervention du Maréchal Pétain, (mon Grand- Père très en colère disait: "Quelle honte d'entendre un officier de la guerre 14-18 parler ainsi !!!) et le 18 juin 1940 le message du Général de Gaulle qui nous a donné beaucoup d’espoir.
Le 22 juin 1940, la France écrasée signe l'Armistice
LE RETOUR
Internement et obligation de résidence
L'armistice étant signé, nous avons décidé de rejoindre Mennevret - pas facile !!! Après quelques jours, les allemands nous ont entourés et dirigés vers le château de Malesherbes où nous avons fait un court séjour; puis ils nous ont internés dans un camp à NEMOURS (dans des baraquements où avaient séjournés des soldats français), d'abord, nous couchions à terre, avions faim et étions malades (beaucoup de dysenterie)
De ce camp, nous n'avions pas le droit d'en sortir, mais, il était possible d'y rentrer.
Les murs qui entouraient le camp étaient élevés, les jeunes faisaient le mur. Et, Maman-pas très sportive - aidée par des Amis- a fait le mur pour se rendre chez son Frère à Paris. Ainsi que nous le pensions Papa avait donné de ses nouvelles: Il était dans un camp de prisonniers à Auray dans le Morbihan. Ouf ! Il était vivant...
Nous, après un mois d'internement, je pense que c’est grâce à la municipalité- que nous avons été répartis dans des villages. Nous : à Aufferville. Seine et Marne, où nous sommes restés jusque fin septembre 1940 (mes grands- Parents avaient eu le droit de rentrer au village pour rendre les chevaux au cultivateur qui en avait besoin pour la moisson (Pas facile de rentrer dans notre Région qui avait été déclarée : Zone interdite.
En cachette, retour au village l'Aisne était en zone interdite
Fin Septembre, nous (ma mère, ma sœur ; mon frère et moi) avons quitté Aufferville avec la complicité d'amis. Nous avons été hébergés quelques jours, à Paris, chez un frère de Maman, qui a pu nous faire accepter dans le wagon-cuisine d’un train de marchandises jusque la gare de Tergnier (d'où, avec la complicité des cheminots, nous sommes sortis sans problème) Nous sommes donc rentrés à Mennevret début octobre. 1940.
Maison occupée par des officiers allemands
Et là, nous n’avons pu réintégrer la maison qui était occupée par des officiers allemands et, cela jusqu'en avril 1941- le maire étant un collaborateur, nommé par l’armée d’occupation, avait autorisé des officiers à occuper notre maison. (Nous étions hébergés chez nos grands-parents paternels)
(Et mon Père ?? ??
Mon Père et ses compagnons ont été faits prisonniers en juin 1940 à Auray dans le Morbihan, très surveillés, ils ont dû travailler dans des fermes et ils rentraient le soir dans leur camp. Puis en 1941, ils ont dû faire la moisson à Méricourt l'Abbé dans la Somme, puis ils sont dirigés vers la citadelle d'Amiens. Là Mon Père a réussi à se faire mettre en "congé de captivité" pour faire la moisson à Mennevret. Il devait aller pointer devant les autorités allemandes, d'abord à Wassigny tous les mois, ensuite tous les trimestres à Hirson, puis à Vervins et ensuite à Laon)
Après l'armistice, c'est l'occupation, la France est sous le joug des nazis. La croix gammée flotte au sommet de toutes les Mairies
Les Allemands confisquent nos matières premières et les envoient vers l'Allemagne. Nous?, nous avons faim et avons des tickets d'alimentation qui n'assurent que le minimum vital (nous, les enfants nous n'avions pas de bonbons Et comme le sucre était très rationné, maman avaient compté les morceaux et nous pouvions disposer chacun d'un morceau par jour)
Aussi face à tout cela, très tôt, ici et dans les environs, des noyaux de résistance commencent à s'installer,. Mais il fallait se méfier des collaborateurs au régime nazi et à celui de Pétain, et en particulier, du Maire de Mennevret (un Monsieur Drucbert, qui avait été nommé par les nazis), et aussi des amis de celui-ci qui circulaient beaucoup et surveillaient les déplacements des uns et des autres (ils ont tous déguerpi à la Libération).
Toute manifestation et expression de patriotisme sont durement sanctionnées. Emprisonnement, envoi en camp de concentration en Allemagne ou exécution immédiate
C'est ainsi que dans notre canton (élargi jusqu'à Aisonville-Bernoville), à partir du 20 mai 1944 et dans les semaines suivantes, des Résistants sont arrêtés par la milice française ou la gestapo, sont dirigés vers la prison de St Quentin, puis vers le camp de Royallieu-Compiègne, et vers les camps de concentration.
Je vous fais part ici de l'arrestation de mon Père
Le 20 mai 1944, à 6h du matin, des miliciens français accompagnés de soldats allemands ont fortement frappé sur le 2ème volet - celui de la chambre de nos Parents et non sur le premier, celui de notre chambre à nous les enfants. Preuve, qu'ils étaient bien renseignés par les collaborateurs- Nous, les enfants: Annette 16 ans, moi Mireille 14 ans et Bernard 11ans (Lydie 11 mois, n'avait pas été réveillée) avons rejoint nos Parents en "conversation" avec les miliciens
Comprenant que mon Père allait être emmené, j'ai voulu aller chercher mes grands-parents habitant à proximité en passant d'abord par la porte de devant la maison (les miliciens étant dans la cour) J'ai été mise en joug par des soldats allemands. Alors, j'ai fait une nouvelle tentative en prenant du foin pour porter aux lapins qui étaient dans un bâtiment situé dans une pâture à l'arrière de la maison (j'aurais pu, par les pâtures atteindre la maison de mes grands-parents) Je devais alors traverser l'atelier de menuiserie, mais à sa sortie, j'ai été à nouveau mise en joug par d'autres allemands qui étaient dans le jardin.
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Ils sont partis avec notre Père, puis revenus avec 3 autres Résistants....
.......J'ai vigoureusement protesté quand j’ai vu que Papa et ses 3 compagnons étaient menottés.– mon père m’a ordonné de me taire-puis il m’a demandé de suivre les miliciens durant la perquisition, (afin, nous a-t-il expliqué à son retour, que ceux-ci n’introduisent pas d’objets « interdits )
De la famille j’étais la seule à faire face, comme une automate– ma mère et ma sœur aînée étaient effondrées)
Je n’avais que 14 ans.
Papa a été emmené vers la prison de Saint-Quentin.
Le 4 juin 1944, il est "embarqué" avec d'autres (110 par wagon) dans un train de marchandises qui les emmène vers un camp de concentration en Allemagne.
Pourquoi ces arrestations ? La Résistance était active dans notre Secteur
Il faut rappeler, que durant cette guerre 1939-1945, dans le secteur de Mennevret-Wassigny Guise, la Résistance était active, mais elle était très surveillée par les collaborateurs, d'où de nombreuses arrestations
Rappelons quelques actions
C'est à Andigny-les-Fermes, le 7 mai 1942, qu'a eu lieu le premier parachutage de l'Aisne (à 3 km de Mennevret) Parachutage réceptionné par Monsieur DRUON mennevrezien et un de ses cousins Officier qui l'avait sollicité
C'est de Mennevret qu'a été signalé en Angleterre, un dépôt très camouflé et très important de munitions à Laon, par un Résistant mennevrezien (-mon Père- en congé de captivité devait aller pointer à Laon) Il l'avait décelé en passant devant à bicyclette. Avec 2 pigeons voyageurs -René Bernoville 18 ans- signale ce dépôt en Angleterre. (la BBC a accusé réception des 2 messages) et le dépôt de munitions a été détruit par l'aviation anglaise.
Début juin 1944, c'est Marcel Closset (Résistant de Petit-Verly) qui a escorté un pilote américain dont l'avion avait été abattu près de la forêt de Mennevret pour le mettre à l'abri chez l'un de ses cousins à La Vallée Mulâtre (5 km de Mennevret) Tandis qu'il effectuait ce sauvetage trois de ses Frères étaient arrêtés par la gestapo et sont décédés dans le train de la Mort du 4 juillet 1944..
Dans notre Secteur les Résistants étaient actifs et la répression des nazis a été importante.
Beaucoup de Résistants ayant été arrêtés et déportés dans les camps nazis, alors des maquis se sont installés dans les forêts environnant Wassigny et Mennevret. Mais signalés par des collaborateurs, ces maquis ont été très vite attaqués par les allemands..... 250 Maquisards en errance se sont finalement réfugiés dans une grande ferme à Mazinghien dans le Nord -formant le Maquis de Mazinghien.(Maquis qui a beaucoup agi) Parmi les maquisards, il y avait beaucoup d'axonais de notre Secteur.
Il faut aussi rappeler que :
le 14 juin 1944, au château Godin à Guise onze maquisards sont abattus et tombent dans les tombes qu'ils venaient de creuser.
le 2 septembre 1944, au Gard d'Etreux, tous les hommes sont abattus devant leur Famille
le 25 septembre 1944, le Lieutenant Gédéon POIZOT est cruellement massacré par des SS dans un petit bois près de Vaux Andigny
Oui, notre canton a beaucoup agi pour la Libération de la France et a aussi beaucoup souffert
Il a été libéré début septembre et ce sont des maquisards du Maquis de Mazinghien: Marcel CLOSSET et quelques uns de ses compagnons qui sont venus retirer le drapeau nazi qui flottait au sommet de notre Mairie.
Oui nous étions libres, mais nous n'avions aucune nouvelle de nos Déportés
Nous entendions souvent le bruit sourd des avions alliés partant bombarder l'Allemagne. Papa survivrait-il ?
Enfin en avril 1945, des camps de concentration sont libérés, mais, horreur, avec d'immenses charniers et le Déporté -René DUMUR de Grougis rentré le 16 avril 1945, qui avait été transporté vers l'Allemagne dans le train que l'on a surnommé "Le Train de la Mort", nous apprend le décès de plusieurs de nos Déportés Résistants.
Aussi, imaginez notre joie lorsque le 10 mai 1945, le chef de gare est accouru à la maison (située à 200 m de la gare) pour nous prévenir que Papa était dans le train qui arriverait dans un peu plus d'une heure en gare (eh! oui, les trains passaient encore à Mennevret - ....)
Quelle joie !!!! La nouvelle s'est propagée à une grande vitesse Tous les Membres de la Famille habitant le village et les voisins sont arrivés à la maison. Quel accueil !!! C'était du délire !!! Papa avait beaucoup maigri (50 kg contre environ 90 au départ) mais sa santé ne paraissait pas trop altérée. Puis je prends conscience que ma petite sœur Lydie âgée de 23 mois n'est pas là. Affolée par tant de mouvements, elle s'était réfugiée dans un bâtiment et me dit "C'est qui le Monsieur" Eh! Oui, elle n'avait pas un an quand Papa a été arrêté.....elle ne s'en souvenait pas...
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. Il nous a raconté, par épisode, son vécu durant cette année de Déportation. Ci-dessous un petit aperçu.
Le 4 juin 1945, il est "embarqué" avec d'autres (110 par wagon) dans un train de marchandises qui les emmène vers un camp de concentration en Allemagne
A Compiègne par le hublot du train, une lettre à la main, (qui n'avait pas été décelée à la fouille au camp; avant le départ du train n°223), il fait signe à un homme -celui-ci lui a fait comprendre "plus loin". Au passage à niveau suivant, l'homme attendait, Papa a jeté la lettre que nous avons reçue. Nous savions donc qu'il partait vers l'Allemagne
Le 6 juin, dans une gare, sur leur parcours vers l'Allemagne, un employé de la SNCF a pu taper dans quelques wagons (dont celui de mon Père) et a dit : "Courage les gars, les Alliés ont débarqué". Papa nous a dit: "incroyable le grand espoir que cette grande nouvelle a pu me donner. Je me suis même dit; "s'il en reste qu'un, je serai celui-là"
.Dans ce train, avec un autre, ils avaient pris la responsabilité, chacun, de la moitié des 110 occupants du wagon. Ils les faisaient asseoir ou lever par intermittence. .... (ils ne pouvaient s'asseoir tous en même temps). Ils y ont eu faim, soif.
Le 7 juin, descente du train. Dans la gare des enfants leur ont jeté des pierres (ceci, maintes fois rappelé par mon Père, fait partie de ses très mauvais souvenirs de sa Déportation)
Puis c'est le cheminement vers divers camps de concentration:
• au camp de concentration de Neuengamme du 7 juin 1944 au 1er juillet 1944
• au camp de concentration d’Oranienburg une journée
• dans un kommando (Falkensee) du camp de concentration d’Oranienburg (à la fabrication d’obus !! il y a eu beaucoup de déchets) du 3 juillet 1944 jusqu’à sa libération le 26 avril 1945
Tous les Déportés ont témoigné de leur vécu dans ces camps de l'horreur:
- longs appels en rang par tous les temps - nourriture très restreinte -obligation d'assister à une pendaison sans détourner le regard - travaux très durs durant de longues heures et souvent sous les coups des "kapos" ou pour un motif futile : la mort - nuits de repos brèves et souvent à plusieurs dans un lit sans confort.....c'était l'enfer...
Et cependant des noyaux de Résistance existaient dans les camps, mon Père qui était responsable de la fabrication d'obus: a témoigné (Témoignage, qui a paru dans le livre SACHSO de l'Amicale d'Qranienburg-Sachsenhausen -Témoignage parmi d'autres)
Le 26 avril 1945, au matin, plus d'allemands dans le camp de Falkensee. Face à l'arrivée de nos Alliés, ils s'étaient enfuis. C'était la Liberté pour les Déportés qui se sont immédiatement organisés et ont attendu l'arrivée des Alliés.
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Mon Père a fait le recensement des Déportés décédés et survivants du canton. Puis ils ont adhéré à la FNDIR Aisne et ont créé la Section de la FNDIR Mennevret-Guise dont mon Père a été le Président.
Il a été Trésorier de la FNDIR Aisne (qui est devenue ADIF Aisne, puis UNADIF-FNDIR Aisne)
Il a été très actif dans ces Associations afin que nul n'oublie les horreurs d'un régime nazi et agisse pour pallier toute renaissance d'un tel régime.
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Je voudrais quand même dire que lorsque les allemands battaient en retraite en septembre 1944 que durant quelques heures, un officier allemand a protégé notre Famille
Nous avons presque constamment vécu avec des allemands au village, et nous avons été obligés chaque fois de loger un officier -dans une chambre indépendante de la maison-, Officier, que nous ne voyons jamais -sauf, le dernier officier, le jour de son départ, alors que les allemands étaient en pleine débâcle. Instituteur, il parlait très bien le Français, après s'être présenté il s’est installé dans la salle de séjour, a récité des poèmes de la Fontaine à ma petite sœur – fait sortir tous les allemands qui voulaient rentrer –en partant, il nous a conseillé : méfiez-vous des soldats aux épaulettes noires avec une tête de mort….(ce n’était pas un nazi et il avait compris que mon père était déporté)
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Et mes actes de gamine- résistante !!! :
-à notre 1ère rencontre avec les allemands, (lorsqu'ils nous encerclaient pour nous conduire à Malesherbes) dans notre charrette d’évacuation, à 10 ans, j’ai refusé un bonbon offert par un allemand, alors que je crevais de faim !!
-j’ai toujours refusé de saluer un allemand (alors que dans un village, nous, les enfants, ne devions pas croiser quelqu’un sans le saluer)
- j’étais chargée de porter à une de mes tantes -par des ruelles- le courrier hebdomadaire que lui adressait son fils, à notre adresse– Il était un grand Résistant à Lyon et figurait sur la liste des condamnés à mort. Une fois j’ai eu le tort de porter visiblement une lettre et j’avais croisé un collaborateur !! Dès le lendemain une perquisition a eu lieu chez ma tante (heureusement, mon père, qui exigeait que je rapporte ces lettres, les brûlait immédiatement.)
-tracts de résistants de Lyon...(mon Père n'avait pu en glisser, un, sous le volet d'une épicerie, en partant à l'école je l'ai glissé sous la porte, après cela, l'épicier n'a plus affirmé que les camps de concentration n'existaient pas)
- à l’école, à plusieurs, nous écorchions les paroles de « Maréchal, nous voilà », qui devenaient « Maréchal, fous le camp ». Et, nous mettions (en dictée) des majuscules au nom des alliés, des minuscules aux autres ex : les Anglais, les Américains, les allemands.
EH ! oui, nous les enfants nous étions des Résistants à notre échelle