Décès de Gaston MARIOTTE , Déporté-Résistant, dans sa 102ème année.
Cette triste nouvelle est un choc, tant Gaston Mariotte, de Metz, paraissait éternel, insensible à tout évènement actuel et aussi à la maladie.
Il incarnait la gentillesse, le bien, l'ouverture à autrui, et tant d'autres qualités, si nombreuses qu'on ne peut les décrire.
Il est une immense figure de la résistance et de la déportation qui disparaît.
Il va nous manquer énormément, jamais nous ne pourrons l'oublier, tellement sa présence était permanente et fidèle.
Je transmets mes plus sincères condoléances très attristées, à Madeleine son épouse, et ses deux fils Jean-Marie et Olivier.
Dimanche prochain, Journée Nationale du Souvenir des Victimes et Héros de la Déportation, nous aurons une pensée particulièrement émue pour Gaston Mariotte.
Sa mémoire restera éternellement gravée dans nos cœurs.
Avec toute mon amitié, et ma reconnaissance fidèle,
Jean-Marie Muller
Voici, ci-après, l'émouvant message de son fils Jean-Marie :
"Gaston MARIOTTE s’est éteint.
Voilà que nous approchons de la Journée du Souvenir de la Déportation, ce 25 avril 2021, et que, cette année encore, la pandémie maléfique de la Covid-19 contrarie les cérémonies patriotiques et célébrations cultuelles de ce jour-là.
Pour mon père Gaston MARIOTTE, y participer était un engagement à l’égard de ses frères d’infortune, tout comme à la cérémonie nationale sur le site du camp du Struthof (le 3è dimanche de juin) et à la cérémonie au Palais universitaire de Strasbourg (le 25 novembre) à la mémoire des victimes de la répression qui a frappé l’Université alors repliée à Clermont-Ferrand. C’est la rafle du 25 juin 1943 qui allait le projeter, pour 23 mois, dans l’univers concentrationnaire.
Hélas, il vient de succomber ce 20 avril 2021, victime du coronavirus, à un mois de son 102ème anniversaire. Quelques heures après que je l’ai quitté en évoquant que dimanche allait être la Journée de la Déportation.
Il y a 76 ans, alors qu’il était déjà marqué par 18 mois en camp de concentration, à Buchenwald puis au kommando de Schönebeck, voilà que le camp souche de Buchenwald était libéré, mais voilà qu’à 150 km de là, la décision était prise d’évacuer en urgence : un périple erratique qui va finalement durer 23 jours (du 11 avril au 4 mai 1945) et représenter plus de 400 km en direction de la mer Baltique ; une « marche de la mort » au terme de laquelle un tiers à peine des quelque 1500 déportés évacués arrivèrent à Schwerin. Gaston MARIOTTE n’était plus qu’une ombre revenue du « royaume des ombres ».
La solidarité et la foi partagée l’avait aidé, avaient aidé des petits groupes à trouver ensemble les ressources nécessaires.
Leurs « ne m’abandonne pas » et « je reviens de loin », le cri de la Passion et le cri de la Résurrection, qui ont aussi nom résilience et espérance, l’ont et les ont portés pas seulement en 1945, mais tout au long de l’existence. L’amicale des anciens de Schönebeck avait vraiment une tonalité d’amicale, jusque dans la façon d’élaborer leur livre-témoignage avec Marcel Lorin.
Gaston MARIOTTE a ainsi assez vite adhéré à la FNDIR naissante et aussi au « groupe Cavaillès », fer de lance de la mémoire l’Université de Strasbourg résistante. Il fut dans les instances de l’UNADIF Moselle (bien que n’étant pas un déporté de Moselle) et aussi de la section Lorraine de la CARAC. Il a toujours eu à coeur de conforter les oeuvres sociales pour aider anciens déportés et anciens combattants et de défendre leurs titres et leurs droits, jusqu’à accompagner, lorsqu’il en fut vice-président, la grande mutation financière et statutaire de l’UMRAC (union de mutuelles) en la CARAC (caisse autonome), en essayant de préserver l’esprit qui l’a animée depuis sa fondation en 1924.
Tout cela mené en parallèle mais aussi en lien avec sa carrière de fonctionnaire des finances, qu’il acheva en tant que conservateur des hypothèques à Verdun, où l’esprit des anciens combattants n’était pas un vain mot. Clin d’oeil de la vie : alors qu’il était vice-président de la CARAC, c’est le successeur à son poste à la Cité administrative de Metz, devenu… Secrétaire d’Etat des Anciens Combattants, Jean-Pierre Masseret, qui lui agrafa la cravate de Commandeur de la Légion d’honneur.
Et puis, quand arriva le temps de la retraite, vint le temps de transmettre ce que furent la résistance et la déportation, aussi bien dans les écoles, les lycées, les médias, les casernes qu’au sein de la commission préfectorale de Moselle.
Jusqu’au bout, il voulait être présent aux cérémonies, AG, obsèques des déportés ; ultime présence qui le combla tant : avoir pu venir à Strasbourg le 25 novembre 2019 (il était alors centenaire) et avoir pu déposer, avec ses amis Amoudruz et Utz, la gerbe du groupe Cavaillès, dont il avait été le dernier président.
Si la Covid est parvenue malicieusement à déjouer les protections dont il était entouré, elle n’a fait qu’éteindre son dernier souffle, au terme d’une existence pleine et accomplie, au terme de 72 ans de mariage avec Madeleine, et après un beau sourire à sa dernière arrière-petite-fille.
Il venait d’être hospitalisé pour une pneumopathie d’inhalation (une fausse route, fréquente nous dit-on à cet âge-là) et, par-dessus le marché, il vient d’être diagnostiqué positif au Covid. Le voilà donc engagé dans une nouvelle « marche pour la vie », L’expérience du premier confinement a été bénéfique, puisque je suis invité à l’accompagner un tant soit peu et à l’aider à se nourrir au mieux. A cet effet, ayant beaucoup lu, entendu et compris au contact des rescapés de la déportation et de leurs amicales, je mise sur la chaleur d’une présence familiale, la douceur du regard voulant lui épargner un choc émotionnel, les gestes et mots familiers, la saveur de la cuisine maison et la lenteur nécessaire pour bien l’assimiler, la foi partagée par-delà les générations pour qu’il puisse prononcer bientôt ses « ne m’abandonnez pas » (au moment où je m’abandonne à vous) et « je reviens de loin » (au moment où je reprends prise), le cri de la Passion et le cri de la Résurrection, qui ont nom résilience et espérance et l’ont porté pas seulement en 1945.
Être un résistant à vie, tout en sachant que la vie a une fin.
Faire mémoire des frères et compagnons qui l’ont déjà démontré."